Les défis juridiques de la création numérique à l'ère de l'IA et de l'impression 3D

Rédigé par Rédaction Mis à jour le 3 janvier 2025

L'évolution technologique bouleverse les cadres légaux de la propriété intellectuelle

Les nouvelles règles des plateformes face à l'impression 3D

Etsy durcit sa politique contre les créations 3D

Etsy a récemment redéfini ses "Creativity Standards" pour exclure une large gamme de produits imprimés en 3D vendus sur sa plateforme¹. Selon la nouvelle règle, tout objet imprimé en 3D doit être "produit sur la base du design original du vendeur". Cette modification majeure de politique, effective depuis mai 2025, vise à clarifier les catégories de produits autorisés : "Made by (seller)", "Designed by (seller)", "Handpicked by (seller)" et "Sourced by (seller)".

La réaction de MyMiniFactory

Conscient que les changements de politique d'Etsy ont poussé des milliers de marchands à chercher des alternatives, MyMiniFactory lance son Programme Premium Merchant². Ce système de vérification à 25$/mois permet aux fabricants légitimes d'imprimer en 3D et de vendre des designs sous licence d'créateurs établis. La plateforme prend seulement 10% de commission comparé aux standards de l'industrie de 20-30%.

L'enjeu de la régulation du marché

Selon Nebo Nikolic, CEO de MyMiniFactory, "pendant plus d'une décennie, nous avons vu des designers talentueux et des fabricants qualifiés être exploités par des plateformes qui extraient de la valeur plutôt que d'en créer"². Cette situation a créé un environnement de "Far West" qui nuit à la fois aux créateurs et aux fabricants légitimes.

Adobe et la protection de l'authenticité du contenu

Le lancement de Content Authenticity

Adobe a introduit son application web Content Authenticity, qui permet aux créatifs de protéger leur travail en y attachant des preuves d'authenticité³. L'outil fonctionne grâce aux Content Credentials, une métadonnée sécurisée et inviolable que tout créateur peut attacher à son travail. Cette initiative répond à un besoin urgent dans un contexte où 91% des professionnels créatifs cherchent un moyen fiable d'attacher une attribution à leur art et design.

La Coalition pour l'authenticité du contenu

Adobe co-fonde avec la Content Authenticity Initiative (CAI) la Coalition for Content Provenance and Authenticity (C2PA)³. Cette organisation développe un standard ouvert et global pour partager des informations sur le contenu numérique à travers les plateformes et sites web, au-delà des seuls produits Adobe. L'objectif est de "restaurer la confiance et la transparence à l'ère de l'IA".

Les options de contrôle pour les créateurs

L'application permet aux créateurs de définir leurs "Préférences d'entraînement et d'usage de l'IA générative" - en d'autres termes, ils peuvent refuser que leur contenu soit utilisé³. Adobe travaille activement pour promouvoir l'adoption de cette préférence dans l'industrie afin que d'autres modèles d'IA générative respectent également la volonté des créateurs.

Le copyright de l'art généré par IA aux États-Unis

Les nouvelles directives du Copyright Office

Le Bureau du Copyright américain a publié en janvier 2025 un rapport détaillant la loi et la politique de copyright concernant l'utilisation de l'intelligence artificielle dans les œuvres d'art et le contenu⁴. Après avoir examiné plus de 10 000 commentaires, l'Office a établi que l'art IA peut être protégé par le copyright uniquement s'il y a une contribution humaine impliquée dans sa création.

La distinction entre outil et substitut

Le rapport souligne qu'il faut faire une distinction entre utiliser l'IA comme outil pour créer de l'art et comme substitut à l'artiste⁴. "Cette distinction dépend de la façon dont le système est utilisé, pas de ses caractéristiques inhérentes", précise le rapport. Les artistes peuvent "se référer" à l'IA lors de la création, mais lorsqu'ils commencent à l'incorporer dans leur travail, ils doivent pouvoir prouver qu'ils ont créé des parties eux-mêmes.

Les exclusions du copyright

Sont exclus de la protection du copyright les œuvres entièrement générées par IA, incluant "le matériel où il y a un contrôle humain insuffisant sur les éléments expressifs"⁴. L'art généré par des prompts seuls est également exclu des revendications de copyright. Les auteurs doivent prouver leur implication dans le processus de création.

Les enjeux économiques de la propriété intellectuelle numérique

L'explosion des téléchargements de modèles 3D

Sur Thingiverse, les utilisateurs téléchargent environ 6 millions de designs d'impression 3D par mois⁵. Cette croissance exponentielle illustre l'ampleur du défi posé par la diffusion de modèles numériques. L'exemple de Groot, personnage de Disney, dont le modèle 3D créé par un passionné mongol a été téléchargé plus de 75 000 fois, montre comment les droits de propriété intellectuelle peuvent être contournés.

Les implications pour les détenteurs de droits

La facilité de création et de partage de modèles 3D pose des défis majeurs aux entreprises de divertissement comme Disney⁵. Les créateurs indépendants peuvent reproduire et distribuer des personnages protégés sans autorisation, créant un marché parallèle qui échappe aux canaux de distribution traditionnels.

Vers de nouveaux modèles économiques

L'industrie doit s'adapter à ces nouvelles réalités technologiques. Les plateformes comme MyMiniFactory tentent de créer des écosystèmes où créateurs originaux et fabricants peuvent coexister légalement, avec des systèmes de licence automatisés et des paiements de royalties transparents².

Conclusion

L'évolution rapide des technologies numériques - impression 3D, intelligence artificielle, outils de création assistés - redéfinit fondamentalement les contours de la propriété intellectuelle. Entre les politiques restrictives d'Etsy, les initiatives d'authenticité d'Adobe et les nouvelles directives américaines sur le copyright de l'IA, l'industrie créative traverse une période de transformation majeure. Les solutions émergentes comme celles proposées par MyMiniFactory ou les Content Credentials d'Adobe suggèrent que l'avenir réside dans des approches collaboratives qui protègent à la fois les créateurs originaux et permettent l'innovation technologique.

¹ 3D ADEPT Media, "Etsy excludes many 3D printed items — MyMiniFactory responds", juillet 2025, https://3dadept.com/etsy-excludes-3d-printed-items/

² MyMiniFactory Premium Merchant Program, cité dans 3D ADEPT Media, juillet 2025

³ Creative Boom, "Adobe reveals a content authenticity app to 'champion creator protection and attribution'", octobre 2024, https://creativeboom.com/news/adobe-content-authenticity-app/

⁴ Designboom, "AI art can be under copyright protection, US office says", janvier 2025, https://designboom.com/art/ai-art-copyright-protection-us-office-01-31-2025/

⁵ The Economist, "The spread of 3D models creates intellectual-property problems", juillet 2017, https://economist.com/business/3d-models-intellectual-property/